samedi 27 décembre 2014

Le MPM : le Management Post Moderne

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Face aux évolutions sociaux-économiques et à la mondialisation des échanges qui impactent largement les entreprises, est née l'idée d'une redéfinition des modes de production pour satisfaire à des situations de plus en plus évolutives dans des sociétés où l'adaptation rapides des personnes est devenue indispensable. Les plus représentatifs de ce courant de pensée qu'on appelle le MPM, le "Management Post Moderne" sont des sociologues comme Marc Halevy [1] Michel Maffesoli [2] Edgar Morin ou Christian Chevessand qui se penchent sur l'évolution des sociétés et essaient d'anticiper dans la mesure du possible les changements prévisibles à terme.[3]
 

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1- Introduction

La société post industrielle postule dans son évolution même, l'émergence d'une entreprise post moderne où le management est appelé à jouer un rôle majeur. Ainsi est née le concept de MPM, le "Management Post Moderne" qui doit permettre de s'adapter aux modes d'organisation plus flexibles et plus réactifs, où la gestion des ressources humaines devient le moteur essentiel de l'expansion. Comme l'a écrit Michel Maffesoli,cette vision va largement « bousculer le paradigme managérial. » [4] L'état des lieux part du constat que la visibilité même à court terme est réduite, émaillée de changements qui déstabilisent les politiques mises en œuvre et influent sur le moral des individus.[5] Il faut bien dans ce contexte volatil malgré tout continuer à diriger des équipes et les conduire à un maximum d'efficience, en analysant les ruptures qui marquent notre époque, en redéfinissant la place et le rôle du management dans le monde post moderne et sur la manière de redonner du sens à l'acte de produire.[6]

2- Les problématiques post modernes

- Il faut d'abord s'affranchir de la dictature de la conjoncture, qui empêche toute analyse ne profondeur. Même si le besoin de management est toujours présent, le manager doit rechercher la pertinence de son action et la cohésion de son équipe.[7]

- Être convaincu que l'élément essentiel de l'entreprise est la ressource humaine et sa motivation, son niveau d'intégration aux objectifs de l'entreprise. Il est donc vital de comprendre les mécanismes qui font qu'un collaborateur soit impliqué, comment mettre en place de nouveaux leviers de motivation non figés dans le temps. L'entreprise doit être porteuse de sens, ancrée dans le terrain et dans son terroir.

- Il faut trouver un intercesseur entre des contextes évolutifs, difficilement maîtrisables et des équipes qui éprouvent par définition beaucoup de difficultés à se hisser au niveau des enjeux qui feront que l'entreprise sera perçue comme crédible ou non dans sa fonction de force productive.
 
Cette analyse pose les bases du "management post moderne",  demande également une étude détaillée des conditions de passage au monde post moderne, [8] ce qui dans nos façons d'agir et de produire est à la fois un potentiel d'avenir et une perturbation de l'existant.

3- Les lignes de fracture du management post moderne

Les efforts de rationalisation, d'explication de la réalité, tels qu'on les a connus depuis le XVIème siècle ( de Copernic à Galilée et à la méthode cartésienne... ) ont eu leurs prolongements dans l'entreprise où des économistes comme Taylor et Ricardo ont entrepris à leur tour de rationaliser la production. Mais le consommateur veut plutôt un produit adapté à ses besoins, à ses désirs, il manifeste ses "préférences", son "sentiment" pour tel ou tel produit, les chaînes de production sont de plus en plus courtes au gré des envies et des modes.[9]
 
La longue durée faite d'un progrès progressif et continu n'est donc plus de mise dans nos sociétés complexes où les gens veulent vivre le mieux possible l'instant présent, la projection est brouillée par l'instantané, la recherche du plaisir immédiat, une intensité qui tient de la célèbre formule « ici et maintenant, » qui relègue futur et avenir dans les limbes des lendemains qui ne chantent plus, au-delà de l'imaginaire collectif, faits souvent de précarité et d’incertitude. Ce ressenti de « potentielle précarité » comme dit Marc Halévy [10] Or, manager réclame une bonne vision de l'avenir pour anticiper les processus socio-économiques et expliquer les décisions qui en découlent.
 
Nos systèmes hiérarchiques sont très mal adaptés à la réactivité. Leur construction pyramidale n'invite pas à créer des liens entre services, entre équipes, à créer des organisations fonctionnelle qui fonctionnent en réseau et où l'information puisse circuler rapidement -voire en "temps réel" avec les inter connexions informatiques- en irriguer tous les éléments du système, à cet égard les leaders du courant actuel de la systémique axée sur les systèmes sociaux, tels que l'américain Karl E. Weick ou l'anglais Peter Checkland ont aussi contribué à alimenter la réflexion sur ce sujet. Les enjeux, terrains de confrontation, qu'ils soient professionnels, personnels, commerciaux ou stratégiques, sont en train de céder la place à une vision plu ludique, plus dynamique où le risque est mieux vécu par les individus et mieux assumé par les organisations. Dans des sociétés en crise, aussi bien économique que d'identité, les petits calculs et les tactiques mesquines ne sont plus de mise et il faut d'abord rechercher toutes les complémentarités possibles, tous les niveaux de variété souhaitables pour initier une bonne dynamique. [11]
 
Les priorités ont tendance à être ramenées à l'essentiel, évitant par là même les phénomènes de dispersion, les politiques d'émiettement, de "saupoudrage", synonymes de perte d'énergie On se focalise plus volontiers sur l'important, sur ce qu'on sait faire, décidant des replis stratégiques, abandonnant par exemple des secteurs connexes peu rentables. L'une des conséquences de ce repli sur l'individu et la recherche d'un certain hédonisme [12] est un refus des cadres préétablis - les catégories socio-professionnelles ou des classifications par métiers par exemple- pour revendiquer sa personnalité, et de ce fait, être plus polyvalent mais en même temps plus difficile à gérer, à faire entrer dans des typologies imposées. Le management doit donc s'adapter aux personnes et négocier avec elles leur degré de liberté et leur évolution professionnelle.

4- Les leviers de la motivation

Pour parvenir à mettre en place les mécanismes adaptés en adéquation avec son action, le manager doit revoir la place du poste de travail et "positiver" l'activité de son titulaire, faire en sorte que, quand on lui demande en quoi consiste son travail, il ne réponde pas comme cet ouvrier-sculpteur : « Je taille une pierre » mais comme son voisin qui répond fièrement « Je construis une cathédrale, » qui considère que tout en faisant partie d'un tout, il a une œuvre à accomplir et se sent impliqué dans cet ensemble. Faire en sorte que le métier, l'emploi ait le sens le plus élevé possible, qu'il participe à la satisfaction du travail accompli et à la dignité de la personne.[13]
 
Contrairement à l'étymologie du mot "travail", instrument de torture à l'origine, il faut que le métier, la tâche à réaliser apparaissent comme quelque chose de gratifiant, d'exaltant et non comme on le dit parfois, qu'il faille "perdre à vie à la gagner", ce qui est bien la pire des choses aussi bien pour l'individu que pour l'entreprise -et aussi pour la collectivité. Le manager doit relever ce défi, éviter les chevauchements de tâches, clarifier les missions, proposer des challenges motivants et mettre en synergie les membres de l'équipe.[14]
 
Dans un monde en plein évolution, le travail et même les métiers eux aussi évoluent et la formation, l'apprentissage permanent doivent être des supports essentiels de l'évolution des personnes, un moyen de changer de métier quand c'est nécessaire et que soit considéré comme une opportunité plutôt qu'une contrainte, que les individus y soient progressivement préparés pour éviter tout traumatisme le moment venu. C'est en ce sens qu'on parle "d'intelligence qualitative", dépassement des modèles classiques normalisés et standardisés, favorisant l'autonomie, l'initiative et la créativité.[15]
 
Cette conception nécessite de se recentrer sur le cœur du métier, les fondamentaux de la productivité, définir des règles et des processus admis, ratifiés par les équipes, éviter de se disperser dans des activités connexes et des procédures trop complexes.

5- L'analyse de situation

La situation contextuelle détermine les types d'intervention possibles, selon le niveau de structuration de l'entreprise, selon que cette dernière est plus ou moins en phase avec l'environnement et le contexte économique du moment. [16]Il doit exister une synergie maximale entre les objectifs de l'entreprise et la situation réelle de l'économie, sa volonté d'investir par exemple dans un environnement trop incertain. Le manager doit, quelles que soient les circonstances, oser arbitrer entre le prévisible et le souhaitable, réaliser la meilleure recherche du différentiel du couple entreprise-contexte.

Prendre ses responsabilités, c'est aussi pour le manager effectuer les choix stratégiques et les arbitrages entre les ressources à un moment donné pour conforter les choix stratégiques. La vertu de ces choix est d'être clairs, transparents, largement expliqués et commentés à tous les échelons de l'entreprise.
 
Cette politique n'est pas un angélisme supplémentaire, elle repose d'abord sur la volonté de bien cadrer chaque collaborateur, être clair sur ce qu'il peut faire et ne pas faire, ce qu'il peut attendre ou non de l'organisation, tout en considérant la personne dans sa singularité en hésitant pas à la mettre en valeur. C'est un équilibre difficile à atteindre entre un certain degré d'obéissance (respecter les décisions collectives, une certaine réserve vis-à-vis de l'extérieur) et une nécessaire liberté dans l'action quotidienne, entre niveau de liberté et niveau de responsabilité. [17] Selon la personnalité du manager, la charte relationnelle, les modes de fonctionnement peuvent mis en œuvre de façon implicite, à l'occasion de comptes-rendus de réunions ou de contrats d'action individuels ou collectifs. [18]
 
Le manager doit être apte à discriminer l'essentiel, dans le sens de ce qui fait l'essence de l'entreprise, ce qui est de toute façon vital et "non négociable" et représente sa véritable ligne de conduite. Ceci dans un cadre où les ressources sont comptées, où les révolutions devront se faire non seulement sur le terrain mais aussi (et surtout) dans les têtes avec des engagements précis sur les valeurs. [19]

6- Piloter dans l'incertain

Piloter un groupe ou une entreprise dans un environnement socio économique tel qu'il se présente dans les années 2010, revient à tenir la barre d'un navire dans une tempête. Les modèles prévisionnels et les évolutions constatées depuis les premières crises des année 1970 montrent bien qu'on est en présence d'un changement de paradigme socio-économique auquel on ne peut guère s'opposer, auquel il faut s’adapter pour atteindre une nouvelle homéostasie. (équilibre dynamique entre les variables d'ajustement)[20]
Le manager doit faire face à trois défis qu'il doit relever pour démontrer ses compétences de preneur de décisions et de meneur d'hommes.
 
Le premier changement à effectuer est de se libérer de toute reconduction du passé parce que "ça a marché à un moment donné". Les bonnes recettes d'une époque sont rarement reconductibles et même nuisibles pour avoir une bonne posture face à l'avenir, pour ne pas se lier les mains avec des a priori restrictifs.
 
Avoir la capacité, de se donner un nouvel espace de liberté, la volonté intérieure de refuser les facilités, d'aller au plus simple, qui n'est pas forcément le plus efficace, décider rapidement (sans précipitation) et se tenir à sa politique sans tenter de rebondir sur les vagues de l'actualité.

7- Le projet collectif, moteur du management

L'essentiel d'un management post moderne repose sur un projet collectif et s'enracine dans les valeurs, le reste étant affaire de procédures et de techniques. En ce sens, il est un dépassement de la définition d'objectifs d'autant plus difficiles à atteindre qu'ils évoluent parfois rapidement et, de ce fait, sont vite obsolètes, plutôt un frein qu'une facilitation à la traduction d'une politique. [21]
 
Oublier le statut et les procédures pour exprimer pleinement sa liberté intérieure, en sachant qu'on apprend toute sa vie, qu'on ne peut avancer qu'à cette condition et qu'il faut oser créer plutôt que pratiquer le "coller-coller" cher à l'informatique.
La structure fonctionne comme un réseau interactif (il existe plusieurs formes de réseaux) où chaque participant est tour à tour le responsable dans son (ou ses) domaine(s) de compétence et où le responsable intervient comme une espèce de chef d'orchestre, un facilitateur qui alloue les ressources et supervise les problèmes (recoupements d'attribution, conflits de conception). [22]


Une organisation conçue ainsi devient un centre de vie où le groupe "vit ensemble" -ne passe pas simplement 8 à 10 heures par jour dans le même bureau- l'objectif étant plutôt l'idée qu'on se fait, la représentation mentale qu'on a de l'état des lieux à terme, un an, deux ans plus tard et de ses propres aspirations. Dans cette configuration, le rôle central du manager est de gérer les ressources humaines, faire en sorte que chacun se sente bien dans leur organisation, constituer des équipes homogènes, complémentaires, et n'hésite pas à user de son autorité pour réguler les flux et régler les conflits.

Pour éviter les dérives de conflits de personnes, le manager a plusieurs outils à sa disposition qui consistent pour l'essentiel à définir des mécanismes de suivi d'activités et de contrats d'objectifs individuels et collectifs.

   
Notes et références

  1. Marc Halévy se présente comme "physicien de la complexité", "philosophe" et "prospectiviste", spécialiste de la connaissance de la complexité,
  2. ↑ Michel Maffesoli occupe les fonctions de vice-président de l'"Institut international de Sociologie"
  3. ↑ Voir l'article La société postmoderne
  4. ↑ Michel Maffesoli, "Éloge de la raison sensible", éditions Grasset, 1996
  5. ↑ Christian Chevessand, "L'interaction du pouvoir et du désir au sein des organisations", Presses Universitaires de Lyon, 2000
  6. ↑ Stephan Laclare, "Piloter en milieu incertain", éditions La Découverte, 1997
  7. ↑ Marc Halévy, "L'Entreprise réinventée. Le grand virage des managers", Éditions Namuroises, 2003
  8. ↑ Voir l'ouvrage "Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique" de Bruno Latour éditions La Découverte, 1991, réflexion sur la modernité et la théorie de l'acteur-réseau
  9. ↑ Voir l'ouvrage de Marc Halévy, "L'avenir commence aujourd'hui", éditions L'arbre d'or, 2005
  10. ↑ Dans son ouvrage "Un univers complexe. L'autre regard sur le monde", éditions Oxus, 2011
  11. ↑ Sur le concept de "variété souhaitables", voir Karl E. Weick, "The Social Psychology of Organizing", éditions Mc Graw Hill, 1979
  12. ↑ Voir Michel Onfray, "Manifeste hédoniste", éditions Autrement, 2011, ISBN 978-2-7467-1612-4
  13. ↑ Christian Chevessand, "Psychologie du travail et comportement personnel", Les Éditions de la Chenelière, 2005
  14. ↑ Claude Dubar, "La Socialisation, construction des identités sociales et professionnelles", éditions Armand Colin., 2002, ISBN 2-200-26448-8
  15. ↑ Voir Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, Le Seuil, 1990
  16. ↑ Edgar Morin, Patrick Viveret, "Comment vivre en temps de crise ?", éditions Bayard Centurion,
  17. ↑ Sur cette notion d'équilibre, voir l'analyse de Erhard Friedberg, "Le pouvoir et la règle", Le Seuil, 1993.
  18. ↑ Voir l'exemple de cette entreprise l'ingénierie informatique dont les salariés peuvent consacrer 15% de leur temps de travail à une initiative personnelle pouvant déboucher sur une innovation professionnelle.
  19. ↑ D'où l'idée de remettre tout à plat et de raisonner en repartant de zéro, en remettant à plat le projet d'entreprise et le projet de budget
  20. ↑ Voir l'article paru dans L'institut des experts de l'entreprise
  21. ↑ Bordallo et Ginestet, "Pour une pédagogie du projet", éditions ESF, 1993
  22. ↑ Voir Roger Mucchielli, "Communication et réseaux de communication, éditions ESF

Sources et références

- Marc Halevy, conférencier, expert, auteur de "Petit traité de management post-industriel", éditions Dangles, novembre 2010 et de "Le grand virage des managers", [1]
- Michel Maffesoli, sociologue français, auteur de "La passion de l'ordinaire" et de "L'homme postmoderne", éditions Bourin, 2012 [2]
- Julien Freund, "Essais de sociologie économique et politique", éditions de la faculté catholique Saint-Louis, Bruxelles 1990
- Philippe Bernoux (dir), "Les nouvelles approches sociologiques des organisations", édition Le Seuil, 2005

 
Voir aussi

- Marc Halévy, "L'Entreprise réinventée. Le grand virage des managers", Éditions Namuroises, 2003
- Marc Halévy, "Un univers complexe. L'autre regard sur le monde, Oxus, janvier 2011
- Marc Halévy, "Le Principe frugalité. Une autre croissance pour vivre autrement", Dangles, février 2010
- Julien Freund, "L’Essence de l’économique", Presses universitaires de Strasbourg, 1993
- Georg Simmel, "Le cadre", Gallimard, 2003 et "La sociologie et l'expérience du monde social", réédition aux éditions Klincksieck, 1986

- Alfred Schütz, "Essais sur le monde ordinaire", préface et traduction de Thierry BLIN, Éditions du Félin, 2007
- Jean-Marie Guyau, "La genèse de l'idée de temps", préface d'Alfred Fouillée, réédition aux éditions L'Harmattan, 2000, ISBN 978-2738472151
- Eugène Enriquez, "Les deux leviers fondamentaux du changement : idéalisation et sublimation", [3]
- Jean-Pierre Boutinet, "Psychologie des conduites à projet", 1993
- Paul Watzlawick, "La réalité de la réalité", 1976
- Didier Anzieu, "Le groupe et l'inconscient", 1975
- Roger Mucchielli, "Le travail en équipe et La dynamique des groupes, éditions ESF, réédition 2007

  
* Synthèse Site Psychosociologie-Pédagogie : Relations humaines  
 
<< Christian Broussas - Le MPM - Feyzin le 22/12/2012/ - © • cjb • © >>
 

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